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L'intégration organisationnelle : entre engagement en formation et engagement professionnel | Charlotte de Boer | 05.03.2025

RETOUR SUR LA CONFERENCE DU 5 MARS 2025

Par Sandra Zanelli, Equipe CAS-DAS

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Pour poursuivre le cycle de conférences du RIFT sur le thème de la participation, Charlotte de Boer, collaboratrice scientifique et chargée d'enseignement à la FPSE, est venue animer une conférence le 5 mars dernier sur le thème de l’intégration organisationnelle : entre engagement en formation et engagement professionnel. 

Afin d’explorer cette question, Charlotte a axé sa conférence autour de trois études issues de son projet de thèse sur la socialisation organisationnelle des étudiant-es de l’Ecole Hôtelière de Lausanne (EHL). A travers celles-ci, la conférencière a mis l’accent sur le processus par lequel les nouveaux étudiant-es s'adaptent à une organisation, non seulement au niveau des tâches, mais surtout sur le plan social et culturel.

Comme elle le souligne, l'intégration, souvent désignée sous le terme « onboarding », ne se résume pas à une simple démarche administrative. Il s'agit d'un processus complexe, à la fois individuel et collectif, qui inclut une socialisation organisationnelle. Celle-ci est perçue comme une phase d’apprentissage global, comprenant la maîtrise des tâches, l'adaptation sociale et l'appropriation des valeurs de l'entreprise. Elle permet aux nouveaux/nouvelles arrivant-es dans une organisation d'adopter les normes culturelles, de s'adapter aux attentes de leur rôle, et de développer des liens d'appartenance et d'identification à l'organisation.

Cependant, à l’instar de certains auteurs (Ashforth et al., 2007 ; Cooper-Thomas et al., 2014 ; Cable et Kay, 2012 ; Montani et al., 2019), Charlotte s’interroge plus particulièrement sur la place laissée dans ce processus à la proactivité du/de la nouvel-le entrant-e et à l’expression de l’individualité du sujet, souvent délaissées par les approches traditionnelles de la socialisation organisationnelle.

Une question clé émerge alors : participer signifie-t-il simplement adopter les normes de l’organisation ou doit-on pouvoir exprimer ses valeurs personnelles tout en s’intégrant au collectif ?

Pour explorer cette question, la première étude conduite par Charlotte se penche sur le moment de transition entre la formation et le stage en entreprise. Menée auprès de 168 étudiant-es, elle met en évidence l'importance des comportements proactifs de socialisation dans l’intégration en entreprise (comme par exemple la recherche de feedback, la recherche d’informations, la socialisation générale, la négociation de changement de rôle et encore l’auto-gestion comportementale). A l’issue de cette étude, Charlotte formule quelques propositions de dispositifs de formation pour stimuler ces cinq différents types de comportements proactifs comme organiser des soirées, des sorties ou/et des lunchs d’équipe, mettre en place une séance d’information sur la structure de l’organisation, encourager des techniques de respiration pour gérer la pression et des carnets de feedback pour noter les conseils reçus ainsi que la construction d’un plan de développement professionnel.

Sa deuxième étude s’intéresse à l'équilibre entre affirmation de soi et adhésion aux normes organisationnelles. À partir d’un questionnaire et d’entretiens menés auprès de 344 étudiant-es ayant effectué un stage, l’étude distingue quatre profils d’intégration, allant des plus conformistes aux plus authentiques. Les résultats montrent que les étudiant-es plus conformistes ressentent davantage d’insatisfaction et d’épuisement émotionnel, tandis que ceux/celles qui réussissent à exprimer leurs valeurs personnelles, qui partagent les valeurs de l’organisation et qui s’identifient à cette dernière sont plus épanoui-es et mieux intégré-es. Cela souligne que l’intégration réussie réside dans un équilibre entre adaptation aux normes organisationnelles et expression de son individualité. La conférencière propose là aussi des pistes de formation pour soutenir l’expression authentique de soi, allant des ateliers pour apprendre à s’affirmer, aux séances d’identification et d’expression de ses émotions, en passant par les dessins de représentation de son identité et ses valeurs. Dans le registre de la congruence de valeurs, Charlotte fait la proposition d’ateliers d’explicitation des valeurs et de la culture d’entreprise, de la création de temps de rencontre avec les équipes en place et enfin par exemple, de séance d’écriture sur ses propres valeurs.

Dans la troisième étude réalisée en 2020, en pleine période de pandémie, Charlotte aborde l’importance de la sécurité psychologique et des comportements agentiques dans l’intégration à distance, auprès de 195 étudiant-es de l’EHL. Elle en déduit que lorsqu’un environnement favorise la confiance et permet aux étudiant-es de s’exprimer librement, ils/elles sont plus enclin-es à adopter des stratégies d’apprentissage autorégulées et à gérer leur parcours avec plus d'autonomie. Cette sécurité psychologique est d’autant plus essentielle dans le cadre de l’enseignement à distance, où l’interaction sociale est souvent limitée. Ses recommandations reposent entre autres sur l’intégration de module spécifiques de gestion du temps, d’organisation du travail ou encore de la motivation, ainsi que la tenue d’un carnet de bord pour conscientiser ses propres stratégies d’apprentissage, difficultés et succès. Un accompagnement personnalisé sous forme de coaching ou de conseil pourrait également être bénéfique. Enfin, afin de créer un climat bienveillant, les réunions régulières de partage d’expérience et d’émotions tout comme les projets en petits groupes font partie des suggestions que l’on peut mettre en place.   

On ressort de cette conférence avec la conviction qu’il est essentiel de créer un environnement où les étudiant-es peuvent s’exprimer librement, prendre des initiatives et apprendre de leurs erreurs sans crainte de jugement. Les formateurs ou les formatrices tout comme les institutions doivent favoriser cette liberté en instaurant un espace de confiance propice aux échanges et à la confrontation d’idées. L’intégration organisationnelle ne peut en effet se résumer à une simple conformité. Elle doit être un équilibre entre l’adaptation aux normes de l’organisation et l’affirmation de soi, permettant aux nouveaux arrivants et aux nouvelles arrivantes de s’impliquer activement tout en restant fidèles à leurs valeurs.

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L’entrée dans un métier constitue une étape déterminante dans le parcours de tout individu. Elle repose sur un double engagement : d’abord en formation, où l’apprenant·e acquiert les compétences et les savoirs nécessaires par rapport à un métier, et dans le milieu professionnel, où il·elle met en application ses connaissances. Cette phase initiale au métier repose sur des mécanismes de socialisation organisationnelle. Le·la nouvel·le arrivant·e apprend et s’adapte aux normes, aux valeurs, aux pratiques et aux attentes du milieu qu’il·elle intègre. Des dispositifs d’onboarding sont souvent mis en place pour accompagner l’entrée du·de la nouvel·le entrant·e et optimiser sa socialisation tels que des sessions d’accueil, de formation et des événements sociaux. Ces programmes formels et collectifs d’intégration vont par la suite améliorer la performance, la satisfaction ainsi que l’engagement organisationnel et réduire le turnover.

Tout en adhérant aux valeurs du milieu organisationnel, le·la nouvel·le arrivant·e détient également un rôle actif dans le processus d’intégration, déployant des stratégies diverses pour faire face à l’incertitude, donner du sens à son environnement et apprendre les bases de son nouveau rôle. Il·elle recherche activement des informations, et souhaite être reconnu·e pour ses forces personnelles. Plutôt que d’attendre passivement que les choses se produisent, il·elle anticipe les situations, prend des initiatives et agit de manière autonome. Tout en s’intégrant dans son organisation, il·elle peut aussi exprimer qui il·elle est réellement. Afin que son adaptation s’effectue au mieux, il est essentiel que celui·celle-ci puisse avant tout participer et s’exprimer le plus librement possible, et se sente respecté·e.

Cette relativisation du rôle des dispositifs de formation dans l’apprentissage et une montée en puissance du sujet comme acteur ou actrice de son apprentissage interroge les pratiques de formation des nouveaux entrants. Vaut-il mieux encourager des programmes formels, collectifs et structurés d’intégration des nouveaux entrants ou est-il davantage conseillé de miser sur l’agentivité individuelle des nouveaux·lles entrant·es et que ces dernier·ères puissent participer et exprimer des opinions ou des comportements qui reflètent leurs valeurs personnelles ? La conférence aura pour objectif de donner quelques éléments de réponses à ces questionnements.

Charlotte De Boer, collaboratrice scientifique et chargée d'enseignement à l'Université de Genève au sein de l'équipe ACT'FOR (Apprentissage et compétences, au travail, en formation et dans les organisations). Ses recherches portent principalement sur la transition formation-emploi et l'entrée dans l'organisation, ainsi que l'engagement et la motivation en formation, avec comme public cible les étudiant.es inscrits dans l'enseignement supérieur.

5 mars 2025

Conférences de 2024 à 2025