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Les apports de l’écopsychologie et de l’anthropologie culturelle à la compréhension du lien entre l’humain et la nature | 06.03.2025

RETOUR SUR LA CONFERENCE DE MOHAMMED TALEB

Invité par l'équipe I-ACT

Par Marwa Mahmoud et Nathalie Muller Mirza

Dans le cadre du cours de Master en formation des adultes « Analyse socioculturelle de dispositifs de formation : une approche centrée sur la perspective des acteurs » dispensé par la Professeure Nathalie Muller Mira, nous avons eu le plaisir d’accueillir le 6 mars 2025 Monsieur Mohammed Taleb, pour une conférence intitulée « Les apports de l’écopsychologie et de l’anthropologie culturelle à la compréhension du lien entre l’humain et la nature ».

Mohammed Taleb est un écrivain algérien, formateur en Éducation relative à l'Environnement et auteur de nombreux ouvrages, articles et conférences dans les domaines de l'Éducation relative à l'Environnement, de l'écologie dans les pays du Sud, et de l'histoire de la littérature. Il est également chercheur-collaborateur au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Son intervention dans ce cours était associée à la thématique choisie cette année, en lien avec l’analyse d’un dispositif intitulé « les Nouveaux Jardins » mis en œuvre par l’EPER qui articule des enjeux relatifs au jardinage, à l’inclusion sociale et à la migration.

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Le point de vue critique du conférencier sur l’écologie contemporaine, souvent teintée de moralisme et de fatalisme, nous intéressait particulièrement. Les apports théoriques qu’il développe à partir d’une immense culture philosophique, historique et spirituelle nourrie à une pluralité de traditions, occidentales et orientales notamment, étaient de notre point de vue essentiels pour permettre aux étudiant.es de déployer une conception originale de ce que nous appelons d’ordinaire le « rapport à la nature ».

Pour nourrir notre rapport au vivant et questionner ce que nous considérons comme des évidences, à travers un voyage dans le temps et dans l’espace, le conférencier nous a proposé une grille de lecture en faisant référence à deux concepts clé de la tradition grecque, distincts mais dialectiquement complémentaires : le logos, d’une part, qui cherche à expliquer le monde par la raison, la logique et la pensée structurée, et le mythos, d’autre part, qui se réfère aux récits mythologiques, aux légendes et aux traditions orales pour comprendre le monde de manière symbolique et narrative, par l'imagination. La modalité de compréhension de la première famille est la preuve, celle de la deuxième famille est l’épreuve, c’est-à-dire la connaissance éprouvée, vécue, qu’on appellerait aujourd’hui les « savoirs d’expériences ». Ces deux familles, ensemble, sans préjuger de la valeur de l’une par rapport à l’autre, disent « la vérité » : « une belle phrase de Rousseau a la même valeur qu’une équation mathématique ».

À travers une présentation parsemée de récits et d’exemples parlant, nourrissant cette dialectique - souvent rompue dans nos réflexions modernes, et même par le discours écologiste lorsque celui-ci prend ses arguments dans un rapport techniciste à la nature - les étudiant.es ont été amené.es à questionner leur propre rapport à la « nature », à remettre en question cette notion, dont la définition est tributaire de son contexte culturel et historique. Dans d’autres sociétés et d’autres temps, la séparation entre ce qui est considéré comme « humain » et ce qui serait « non-humain » ne fait pas sens.

En reprenant certains auteurs, notamment Theodore Roszak, un historien et penseur étasunien, considéré comme l'un des pionniers de l'écopsychologie, Mohammed Taleb nous a parlé de l’Âme du Monde. Il a évoqué la profondeur symbolique, culturelle du monde et de la Terre, inscrivant donc les réalités tangibles dans leur dimension à la fois physique, métaphysique et spirituelle. Dans cette perspective, il nous a amené.es à repenser et redéfinir la place de l’être humain dans le cosmos : l’humain en tant qu’homo-universalis (comme l’avançait déjà Leonard de Vinci) : un humain qui ne voit pas la Terre et la « Nature » comme ressources mais comme forces à protéger, un humain qui porte à l’intérieur de lui tout l’univers.

Invité.es à réaliser un retour réflexif sur les contributions de cette conférence, les étudiant.es ont livré des témoignages qui laissent penser que cette conférence a été le moment d’une profonde reconnexion avec le sens - parfois négligé, oublié. En voici quelques-uns dont la teneur ne prétend pas à l’exhaustivité :

« Je pense que l'exposé de M. Mohammed Taleb a été une sorte de claquement de doigts bruyant dans une grande salle, dont les échos résonnent encore aujourd'hui. (Et j'espère que ces échos résonneront encore longtemps en moi). »

« J’ai ressenti une sensation de justesse, de mise en lien d’idées qu’on connait et qu’on sait être objectives avec d’autres qu’on ressent et on le sait tout autant. C’est aussi cela qui est très impactant dans son discours : le mythos et le logos se retrouvent et ont leur place dans ses réflexions. »

« Ce qui est souvent le cas en parlant d’écologie, d’état de la planète, de ressources c’est de ressentir un malaise ou une honte liée avec le fait de ne pas avoir fait suffisamment à titre personnel. Et cette sensation de malaise se solde par un fatalisme de l’ordre de « c‘est probablement trop tard ». Je n’ai pas du tout ressenti cela en écoutant M. Taleb. Au contraire, c’était plutôt un message d’espoir. Cela semble plutôt être lié un rééquilibrage, un changement de fréquence. Et un changement pour se connecter avec quelque chose qu’on ressent instinctivement. Cette absence de jugement est une force du discours de M. Taleb. »

« La conférence de M. Taleb a résonné en moi quant à ma propre perception de la nature, de l'environnement et de l'écologie en soulignant l'importance de la dimension symbolique et spirituelle de la nature que l’on a souvent tendance à négliger. »

« Le concept “d'humanisme écologique” m’a particulièrement touché, car il incarne l'idée que l'humain fait partie d'un tout plus grand, que l'univers réside à l'intérieur de soi, ce qui encourage un respect profond pour la nature. »

« Cette prise de conscience m’a menée à une réflexion plus large : les peuples autochtones et les populations locales sont souvent marginalisés dans les grandes conférences sur l’écologie et l’environnement. Nous voyons rarement ces personnes invitées à s’exprimer dans ces espaces, alors qu’elles possèdent une connaissance intime et ancestrale de la nature. »

« Cette réflexion me pousse à voir l’écologie autrement. Plutôt que de la limiter à des solutions purement scientifiques et techniques, je comprends mieux l’importance d’intégrer les récits et les mythes dans notre manière d’interagir avec la nature. Cela rejoint aussi l’idée que chaque culture a ses propres façons de percevoir et de respecter son environnement. »

« La Terre nous parle bien plus qu’on ne le croit. L’exemple du Bangladesh l’illustre parfaitement : les femmes du pays savaient instinctivement que l’eau des puits n’était pas bonne, mais personne ne les a écoutées. On a préféré suivre une approche technicienne sans prêter attention aux savoirs locaux, et cela a conduit à une catastrophe. »

« Pendant la conférence, j’ai ressenti un mélange de fort intérêt et de remise en question. L’approche de Mohammed Taleb m’a interpellé, car elle mettait des mots sur des ressentis que je n’avais peut-être pas encore pu formuler. »

« Au début de la conférence, je ne savais pas vraiment dans quelle direction M. Taleb allait nous emmener. Mais au fil de son discours, je me suis laissée emporter par son savoir. Son aisance à l’oral et sa culture m’ont convaincue. J’étais épatée par sa capacité à établir des liens entre différents sujets. Il réussissait à relier des références cinématographiques, musicales et politiques à des problématiques sociales, qu’elles soient passées ou actuelles. J’ai trouvé son intervention extrêmement enrichissante sur le plan culturel. »

« J’ai trouvé cette conférence très intéressante. Ce fut un véritable voyage, dans lequel il était très agréable de se laisser transporter. La parole philosophique, et je dirais même poétique, de Mohammed Taleb était très féconde ».

8 avr. 2025

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