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Le «Prix junior Maurice Chalumeau 2024» a été décerné à , pour le mémoire de Master en sciences sociales de l'Institut de Psychologie et Éducation de l'Université de Neuchâtel, sous le titre:

« L'émergence du possible dans le cadre des transitions de genre: une étude exploratoire en psychologie socioculturelle »

Dans une société oscillant entre invisibilité (Namaste, 2000) et oppression (Medico et al., 2020), comment les personnes trans parviennent-elles à se penser et s’imaginer dans un autre genre ? A travers cette recherche exploratoire d’inspiration phénoménologique, et en se basant sur les travaux en psychologie socioculturelle développés autour de l’imagination et du possible (Zittoun & Gillespie, 2016 ; Glăveanu, 2021), la manière dont le possible émerge dans les parcours de transition de genre est examinée.

A partir de données empiriques issues d’entretiens avec des personnes concernées, il est proposé un modèle composé de quatre processus centrés sur la notion de reconnaissance. Il est soutenu qu’à travers ces différentes dimensions s’élabore une reconfiguration de l’impossible en possible, avec le potentiel d’aboutir à des actions concrètes dans la vie des personnes concernées. Les apports de cette recherche permettent:

  1. de consolider les connaissances académiques concernant le rôle de l’imagination dans les trajectoires trans ;
  2. de renforcer l’intervention clinique transaffirmative (Medico & Pullen-Sansfaçon, 2017) ;
  3. de proposer des pistes d’exploration du genre pour les personnes concernées.

James Alzetta, , Université de Neuchâtel, 2024, 128 pages

« Quand j’étais enfant, en vacances chez mes cousins, on a lancé l'idée de faire le jeu où on se déguisait : les filles en garçon et les garçons en fille. C'est à dire moi en fille. Et je me souviens que ça m'a perturbée profondément. Moi j'imaginais ça depuis longtemps… Et après quand j'étais déguisée, et que c'était en rigolade, j'ai détesté ça. J'ai trouvé ça tellement... C'était tellement blessant. Le fait que je sois habillée en fille, c'était une raison pour rigoler de moi, pour se moquer de moi, c'était pas bien, c'était pas... Après je me suis échappée du jeu, je me suis démaquillée, et changée très rapidement. » Klara

« Au début de mon questionnement, c'était assez conflictuel comme chose, parce que j'avais l'impression que c'était quelque chose que je pouvais pas me permettre, que ça allait faire moche, et que les personnes qui normalement m'adoraient de base, ils allaient arrêter de m’aimer. Et j'ai commencé un peu à me questionner, j'ai pris contact avec une association LGBT. Et j'ai parlé avec une personne trans. On a eu cette rencontre. Et j'ai commencé à me dire que, peut-être, c'est pas quelque chose de complètement impossible, inconcevable. » Klara

« J'ai commencé mon parcours de transition par un parcours psychologique. J’ai eu un premier psychologique, et, drame, c'était assez hard. Il me parlait d’enfants qui se sont suicidés, etc.…Et il me conseillait vraiment de ne pas le dévoiler, de ne pas vivre mon identité à l'extérieur, de l'utiliser juste comme fantaisie personnelle, sentimentale, des choses comme ça. T'imagines. Ça m'a plongée un peu dans un état de crise. Et donc c'est là que j'ai supplié une psy qui était spécialiste des questions trans de me prendre sous ses soins. Et on a fait un long parcours avec elle d'acceptation de la chose, de travail sur mon identité » Klara

« Disons que, je suis contente d'avoir fait mon parcours, je me trouve quand même mieux qu'au départ. Ce qui est déjà beaucoup. Après je préférerais être plus sûre de passer comme une femme, point, sans trop de questions dans la vie de tous les jours, ce qui n'est pas forcément le cas maintenant. Des fois je me culpabilise en me disant que c'est à cause de mon attitude, ou de ma paresse, la raison pour laquelle je suis pas perçue comme une femme. Parce qu’il y a des moments où il y a cette réaction un peu sceptique face à moi, quand je sors avec des personnes que je connais pas. C’est un peu perturbant, j'aimerais bien que ce soit pas comme ça, mais je pense qu'il faut l'accepter à un beau moment. » Klara

« Klara : L'imaginaire collectif a collé assez fort des étiquettes très sexualisées sur les femmes trans, et ça me correspondait pas. A l’époque, j'arrivais pas du tout à me retrouver là-dedans. Ça me motivait pas à aller vers une transition, parce que c'était aller vers quelque chose dans lequel je me reconnaissais pas. Et vu que je pouvais pas être une fille « normale » à cause de cette étiquette qui venait avec une transition, à ce moment-là, une transition c'était pas une choses que je prenais en compte.

J.A. : Quand tu dis que c'est l'étiquette qui collait aux femmes trans, tu penses à quelque chose en particulier ?

Klara : Disons que le seul exemple normalement qu’on voit à la télévision, surtout à l’époque, on voyait des hommes habillés en femmes, et c'était pour faire de la comédie. Donc ça restait toujours dans ce côté un peu...oui, rigolo, clownesque, de blague... Et dans les discours du quotidien, quand on parlait des femmes trans, c'était entre la blague et un côté sexualisé, de prostitution. C'était toujours dans ce contexte-là en vrai. » 

« Je dirais qu’à partir de 8 ou 9 ans, j’ai commencé à me poser la question de savoir si j'étais un garçon ou une fille. J’avais par exemple demandé à mes parents de m’acheter un cartable avec une grosse voiture sportive dessus. Donc moi, je pars à l’école avec ce cartable, mais malheureusement tout le monde se moque de moi, parce que j'ai un cartable de garçon, et qu’à la base… ben… je suis une fille… (rires). C'est vrai que ça a été le moment où c'était un peu difficile à assumer. J'ai senti qu'il fallait que je fasse un choix. On te dit : « Soit tu vas avec les garçons, soit tu vas avec les filles ». Le côté garçon, je pouvais plus y aller, et le côté femme, comme je représentais pas la féminité qu'elles voulaient, c'était aussi difficile. » Marc-Antoine

« Je lisais beaucoup Harry Potter. Et moi, ce que je voulais, c'était d'être le héros, clairement. Et tout ce qui était jeux-vidéos, comme les Sims, je choisissais toujours le personnage masculin. J'utilisais déjà le prénom Marc-Antoine. Et en plus, c'est assez drôle, à l'époque, je me prédestinais à être cuisinier. Soit je faisais une carrière de cuisinier, soit une carrière de politicien. Et j'avais tout parfait : la petite maison, ma femme, mes enfants (rires). Je m'étais fait le truc dans le jeu. Et c'est vrai que ça me faisait du bien. Franchement, moi ça m'a aidé. » Marc-Antoine

« Il fil du temps, il y a aussi eu des rêves. Quand la sexualité a commencé à se réveiller, j'avais une attirance pour les femmes, je ressentais des choses pour elles. Je peux pas dire si je me voyais en tant qu'homme à ce moment-là, mais je sentais que c'était plus des rapports hétéro entre moi et des femmes. » Marc-Antoine

« A un moment donné, je rencontre quelqu'un qui est aussi en transition. Donc je sais pas si c'est le destin ou non (rires) mais c’est une très belle rencontre. C'est une femme trans, mais elle, malheureusement, sa transition s'est un peu mal passée. Donc c'est pas quelqu'un qui est très positif sur cette question. Elle m'en parle comme ça: « Toi si un jour tu dois le faire, ne le fais jamais. Je te déconseille de le faire ». Et en creusant un peu la question, en discutant avec elle, elle m’a mis un peu sur la voie. Elle remarquait que souvent j'utilisais des pronoms masculins me concernant, mais sans m'en rendre compte. Et on décide de faire un test, concrètement […]. A la maison, on commence à m'appeler par le nouveau prénom que j'ai voulu. Sexuellement, on essaie d'autres choses, pour voir si ça colle ou non. Et en fait, ça colle très bien d'avoir ce rôle de l'homme, même s’il faut se l'imaginer avec des prothèses ou d'autres moyens en fait qui permettent d’avoir une forme de plaisir. On a l'impression de pas avoir l'attribut qu'il faut, néanmoins, moi j'avais la sensation de vivre l'érection ou ce genre de choses. C'est là où ça m'a encore plus confirmé qu'il fallait aller dans ce cheminement-là » Marc-Antoine

« Je m'imaginais beaucoup en tant qu'homme romantique. Mais il y a toute une période où je savais pas que c'était possible une transition. Et puis quand j'ai passé le cap avec les hormones, le changement de prénom, tout ça, j'arrivais à m'imaginer physiquement être cet homme plus romantique. Et je trouvais que c'était même encore mieux. En fait, comme si les planètes s'alignaient, parce que je pouvais enfin vraiment l'être, montrer ce côté très romantique, un peu gentleman. […] Et à un certain moment, je voyais que dans le miroir, j'arrivais enfin à me voir en tant que garçon et plus en tant que femme lesbienne. C’est… il y a eu ce basculement. » Marc-Antoine

« Quand à l’époque j’avais détransitionné, c’est que j’essayais de m’épanouir au travers de comment moi je me sentais, mais c’était très compliqué à gérer. Je savais pas où m’accrocher. J’avais aussi besoin d’avoir la validation de ma mère. A cette époque-là, c’était surtout ça. En général, toutes les décisions que je prenais dans ma vie, même pour des vêtements, je me sentais bien à partir du moment que ma mère me disait : « T’as raison, c’est bien comme ça ». Et là, je savais que j’avais pas ça. Et j’étais très inconfortable vis-à-vis de ça. Du coup, j’me suis dit, au pire, pour être sûr d’être sûr, j’ai qu’à réessayer de faire le chemin arrière. J’essaye d’aller de l’autre côté. Et soit ça marche, c’est cool, soit ça marche pas, bah là je saurai, j’aurai finalement pas le choix. Je serai obligé d’affronter cette réalité-là. Et bah du coup j’ai vu que c’était de pire en pire. Et finalement, j’ai juste retiré mes doutes. J’ai vécu mes doutes, pour vivre et accepter la seule réalité que j’avais en face de moi. » W

« [J’ai créé une autre identité sur les réseaux] quand quelqu’un a dit : « Tu t’appelles comment ? ». Je… ben je m’appelle Benjamin. Et après c’est venu tout seul, le reste qui a été débité. Benjamin il a 17 ans, c’est un grand brun. Quelle situation de vie il a actuellement ? Pis après c’est devenu beaucoup de complicité avec les personnes avec qui je parlais. Et c’est là où j’ai ressenti que j’aimais bien la manière dont les filles me parlaient. Tu vois ? C’était beaucoup ça. Et j’avais vu une différence entre moi, la réalité avec des filles, et le garçon avec des filles. Le rapport est très différent entre une fille qui parle avec son amie fille, et une fille qui parle avec un garçon. C’est juste que je me sentais étrangement bien. Donc après voilà ça a continué comme ça. Vu que c’était aussi une phase où j’essayais de renier un peu […] la transidentité, je pense que inconsciemment c’était ne pas entièrement le renier, et le vivre en fermant un peu les yeux sur la réalité. A travers les réseaux, ça me faisait beaucoup de bien. Donc je pense que c’était vraiment plusieurs choses qui sont rentrées en cohésion chez moi qui ont fait que… ben j’en ai fait après un refuge du monde réel et de ma situation actuelle quoi. » W.

« Je sais qu’il y a tellement de manières de transitionner. Y’a des transitions qui s’arrêtent aux transitions sociales, d’autres qui vont plus loin, ou encore plus loin, et moi c’est là où j’ai trouvé mon équilibre. A partir de ça, j’arrivais à me dire, ah je te rencontre enfin W. Tu vois ? […] Parce que dans ces réseaux, je m’étais rencontré. Donc j’étais au clair, j’étais bien avec moi. Mais maintenant, le taf, le vrai travail à faire, c’est qu’il faut que je me rencontre dans la vraie vie. Donc pour me rencontrer, il faut que je trouve mon juste équilibre, ce dont j’ai besoin pour me sentir bien avec moi, avec les autres, et là où je vais. Je sais que par exemple avec les hormones, que je vais faire ce pas là. C’est comme ça que je vais être au plus près de moi. » W.

« C’était con mais une fois, c’était mon prof de dessin, […] il m’avait dit, oh on dirait un véritable garçon, fronce les sourcils pour voir comme ça. J’étais en mode non, j’vais pas froncer les sourcils. Il a dit mais si, comme ça on dirait un vrai garçon si tu fronces les sourcils (rires). Du coup, j’ai retenu ça et j’me suis dit, OK, j’vais froncer les sourcils ! » W.

« La musique a joué beaucoup sur l’imagination de ma voix. J’écoutais des chanteurs qui faisaient des covers, donc des trucs très simples. Et j’essayais de m’imaginer en train de chanter à la place de ces personnes pour entendre qu’est-ce que leur voix reflèteraient sur ma personne, tu vois. J’étais en mode hm hm, non cette voix, ça m’irait pas, ce serait trop grave. Hm hm, celle-ci, non je trouve que ça irait pas avec mon visage. Tu vois, je défilais les musiques et je passais des heures. Tout le temps, j’écoutais des gens chanter. Pas pour la beauté de la musique, mais surtout pour la voix. Et je partais dans ma pensée, je déconnectais de la réalité, et c’était sympa en vrai. J’étais une rockstar tu vois ? (rires) » W.

« What kind of science can and shall we do with transgender people ? » 23 mai 2024, , Belgrade, Serbie. Lien vers le .