Une majoriteĢ des enfants et adolescents reĢpondant aux criteĢres diagnostiques du TDAH ont eĢgalement des difficulteĢs eĢmotionnelles. Leur retentissement peut eĢtre supeĢrieur aĢ celui des symptoĢmes d’inattention ou d’impulsiviteĢ/hyperactiviteĢ. Les difficulteĢs eĢmotionnelles associeĢes au TDAH peuvent se manifester par de l’irritabiliteĢ chronique, des crises de coleĢre ou par l’expression d’une faible estime de soi avec deĢcouragement. Dans certains cas, les symptoĢmes eĢmotionnels sont l’expression de troubles comorbides au TDAH: trouble anxieux, troubles de l’humeur dont le trouble disruptif avec dysreĢgulation eĢmotionnelle, trouble oppositionnel avec provocation ou troubles en relation avec un traumatisme. Cette preĢsentation a comme objectif de proposer une mise au point aĢ propos des aspects cliniques des principales difficulteĢs eĢmotionnelles, leurs correĢlats neuropsychologiques/neurophysiologiques et leurs approches theĢrapeutiques psychologiques et meĢdicamenteuses. Ce dernier point sera illustreĢ par des exemples issus de nos programmes de recherche et des nouvelles perspectives en recherche clinique.
La treĢs grande freĢquence de la comorbiditeĢ entre les troubles du neurodeĢveloppement est un fait largement documenteĢ (Kaplan et al., 2001). L’explication et les implications de ce pheĢnomeĢne sont encore l’objet de beaucoup de questions, comme en teĢmoigne le reĢcent theĢme de recherche deĢployeĢ dans la revue Frontiers in Neurosciences par Moll, et al. (2021). A l’aide de travaux meneĢs avec diffeĢrents collaborateurs sur la dyslexie et le trouble deĢveloppemental de la coordination, j’exposerai l’ideĢe selon laquelle la comorbiditeĢ constitue une situation fructueuse pour comprendre les troubles du neurodeĢveloppement (Cignetti et al., 2018, Maziero et al., 2020, Bellocchi et al., 2021, Jover et Huau, 2021). L’eĢtude de la comorbiditeĢ reĢveĢle les meĢcanismes sous-jacents qui unissent les diffeĢrents troubles, mais eĢgalement ceux responsables des preĢsentations diverses d’un meĢme trouble. Plusieurs nouveaux modeĢles existent ainsi aĢ ce jour qui tiennent compte de ce pheĢnomeĢne et qui repositionnent le deĢveloppement au centre du processus pathogeĢnique (Dewey, 2018, McGrath et al., 2020). Les reĢpercussions de ces modeĢles sur les meĢthodologies de recherche, les classifications nosographiques, et les strateĢgies de prise en charge seront envisageĢes dans un dernier temps de la preĢsentation. Elles sont deĢjaĢ en cours et assez importantes pour meĢriter d’eĢtre taxeĢes de reĢvolution kuhnienne par Sonuga-Barke (2020).
Les troubles touchant eĢlectivement l'acceĢs aĢ la numeĢration et au calcul (ou encore "dyscalculies") sont souvent neĢgligeĢs ou meĢconnus ou bien confondus avec les difficulteĢs freĢquentes et "banales" en ce domaine. Jean Piaget avait deĢfini sur quelles compeĢtences logiques reposait la notion de nombre, mais ce n'est que plus reĢcemment, avec l'essor des neurosciences cognitives, que se sont compleĢteĢs les savoirs concernant cet apprentissage treĢs exigeant dans de multiples domaines de la cognition. Connaitre les diffeĢrentes fonctions cognitives en jeu, leur deĢveloppement - souvent asynchrone - et leurs interactions reĢciproques permet i)- de concevoir des strateĢgies peĢdagogiques plus pertinentes, en accord avec ces donneĢes ii)- de mettre aĢ jour, chez certains enfants, des anomalies ou atypies de deĢveloppement touchant speĢcifiquement telle ou telle composante de l'acceĢs aĢ la numeĢratie et donc, de leur proposer des adaptations/compensations bien cibleĢes et efficaces.
Dans le canton de GeneĢve, la prise en charge des troubles neurodeĢveloppementaux est reĢgie par un accord intercantonal et divers textes leĢgislatifs, reĢglementaires et institutionnels. Le principe cardinal de cette prise en charge est l'adoption de solutions individuelles aussi inclusives que possible, incluant la prise en charge ambulatoire par exemple en logopeĢdie, par la preĢsence d'enseignantes ou enseignants speĢcialiseĢs en classe reĢgulieĢre pour soutenir un eĢleĢve donneĢ, ou la scolarisation de l'eĢleĢve dans une structure de peĢdagogie speĢcialiseĢe. Le service de la peĢdagogie speĢcialiseĢe (SPS) est l'organisme d'octroi des mesures de peĢdagogie speĢcialiseĢe. Il analyse toutes les demandes au sein de son uniteĢ clinique et rend les deĢcisions d'octroi pour toutes ces mesures. Lors de la confeĢrence du 15 mars, les diverses prestations de peĢdagogie speĢcialiseĢe et les processus d'octroi seront preĢsenteĢs en lien avec le cadre institutionnel et politique genevois. Une reĢflexion sera par ailleurs esquisseĢe sur les points positifs, les enjeux actuels et les points d'ameĢlioration identifieĢs dans le canton de GeneĢve.
La dyspraxie touche 1 enfant par classe. Aussi freĢquente que la dyslexie, elle est beaucoup moins connue. Au cours de cette confeĢrence, nous expliquerons les particulariteĢs des enfants dyspraxiques et les moyens de les aider aĢ l'eĢcole. Nous verrons comment le croisement de regards de chercheurs en sciences cognitives, d'enseignants et d'enfants dyspraxiques permet de deĢvelopper des solutions pour faciliter l'inclusion scolaire.
Les troubles speĢcifiques d’apprentissage de la lecture ou dyslexies deĢveloppementales ont un impact sur le devenir scolaire de l’enfant et aĢ terme sur ses chances d’inteĢgration sociale et professionnelle. Les recherches meneĢes en sciences cognitives ont pour objectif d’identifier les bases neurocognitives de ces troubles, avec la perspective de proposer des remeĢdiations cibleĢes efficaces. La preĢsence d’un deĢficit phonologique, associeĢ au fonctionnement atypique de reĢseaux neuronaux speĢcifiques au sein de l’heĢmispheĢre gauche, est aĢ preĢsent bien documenteĢe dans la population dyslexique. Ceci a eu des reĢpercussions importantes tant en clinique qu’en eĢducation. Mais tous les enfants dyslexiques ne preĢsentent pas de deĢficit phonologique et la lecture n’est pas une activiteĢ exclusivement langagieĢre. Elle implique eĢgalement des traitements visuels et visuo-attentionnels indispensables aĢ la reconnaissance des objets visuels complexes que sont les mots eĢcrits. L’eĢtude de ces traitements a permis de mettre en eĢvidence un deĢficit de l’empan VA en contexte dyslexique. L’Empan VA est une mesure du nombre d’eĢleĢments visuels distincts qui peuvent eĢtre traiteĢs simultaneĢment. Il refleĢte la quantiteĢ d’attention visuelle que l’enfant mobilise lors du traitement. De nombreuses eĢtudes comportementales montrent que l’empan VA est anormalement reĢduit chez un sous- groupe d’enfants dyslexiques et qu’un deĢficit de l’empan VA est le plus souvent dissocieĢ des troubles phonologiques dans la population dyslexique. D’ailleurs, les reĢgions ceĢreĢbrales et reĢseaux neuronaux qui sous-tendent l’empan VA sont distincts des reĢgions impliqueĢes dans les traitements phonologiques. Ces recherches suggeĢrent l’existence de sous-types neurocognitifs distincts de dyslexies deĢveloppementales. Elles ont conduit aĢ eĢvaluer l’impact sur la lecture d’entraiĢnements ciblant l’empan VA et aĢ montrer leur efficaciteĢ, tant pour la remeĢdiation des troubles dyslexiques que pour la preĢvention des difficulteĢs d’apprentissage en contexte scolaire.
L’acquisition du langage au cours de la petite enfance puis de l’enfance est un pheĢnomeĢne qui se deĢroule rapidement et sans effort apparent. Cependant, cette acquisition peut eĢtre perturbeĢe en l’absence d’une cause clairement eĢtablie, et notamment sans leĢsion ou dysfonctionnement ceĢreĢbral manifeste. Cinq aĢ dix pourcents des enfants preĢsentent un trouble deĢveloppemental du langage (TDL), handicap « invisible » qui impacte l’acquisition du langage oral aĢ diffeĢrents niveaux (traitement des sons, maiĢtrise de la grammaire, quantiteĢ et qualiteĢ du lexique), mais aussi les apprentissages scolaires, l’insertion sociale et le bien-eĢtre eĢmotionnel. Auparavant consideĢreĢ comme un trouble speĢcifique au langage, le TDL est pourtant associeĢ aĢ d’autres difficulteĢs incluant des deĢficits dans les fonctions exeĢcutives, un ralentissement de la vitesse de traitement ou bien encore un deĢficit de la meĢmoire proceĢdurale. Le propos de cette confeĢrence est d’ameĢliorer l’information et les connaissances du grand public sur le TDL qui reste un trouble mal connu, en contradiction avec sa freĢquence et sa seĢveĢriteĢ. Seront notamment eĢvoqueĢes la difficulteĢ de diagnostiquer un TDL dans un contexte de bilinguisme et les pistes de remeĢdiation lieĢes aux deĢficits sous-jacents du TDL.
Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) se caracteĢrise par des difficulteĢs au niveau de la communication et des interactions sociales, ainsi que des patterns de comportements reĢpeĢtitifs, des inteĢreĢts speĢcifiques et des particulariteĢs sensorielles. Classiquement, on consideĢre que le TSA concerne davantage les garçons que les filles, avec un sex ratio d’environ 1 fille pour 4 garçons. Cependant, la litteĢrature reĢcente indique que les filles ont eĢteĢ largement sous-diagnostiqueĢes durant de nombreuses anneĢes. Dans le cadre de cette preĢsentation, nous passerons en revue les speĢcificiteĢs du profil TSA au feĢminin et les enjeux concernant le deĢpistage et le diagnostic de cette population, en particulier chez les filles et les femmes sans deĢficience intellectuelle. Dans un second temps, nous eĢvoquerons les besoins en terme d’accompagnement des filles et des femmes sur le spectre de l'autisme. Cette preĢsentation sera illustreĢe de nombreux teĢmoignages.
Les troubles neurodeĢveloppementaux font reĢfeĢrence aĢ un groupe heĢteĢrogeĢne de situations, allant de la deĢficience intellectuelle au deĢficit d’attention avec/sans hyperactiviteĢ, en passant par les troubles deĢveloppementaux du langage, les troubles du spectre autistique, les troubles moteurs et les troubles des apprentissages. Ils se distinguent par forte tendance aux co-morbiditeĢs, par le chevauchement de certaines particulariteĢs cognitives/comportementales et par des facteurs de risque geĢneĢtiques, neurophysiologiques et environnementaux communs, soulevant -pour certaines associations de troubles- la question d’entiteĢs distinctes versus d’un continuum (ou variations pheĢnotypiques) d’un meĢme syndrome. Enfin, malgreĢ des pheĢnomeĢnes de compensation eĢventuels, ces troubles neurodeĢveloppementaux perdurent geĢneĢralement aĢ l’aĢge adulte et peuvent eĢtre associeĢs aĢ des preĢsentations cliniques particulieĢres et atypiques de deĢteĢrioration cognitive dans l’aĢge avanceĢ. Certains facteurs de risque, des profils et des eĢleĢments de trajectoires neurocognitives tout au long de la vie seront preĢsenteĢs.
Les compeĢtences matheĢmatiques du jeune enfant preĢdisent ses compeĢtences matheĢmatiques scolaires futures, mais aussi sa reĢussite scolaire geĢneĢrale, son insertion professionnelle et, plus geĢneĢralement encore, son niveau socio-eĢconomique aĢ l’aĢge adulte. Par exemple, Ritchie et Bates (2007) deĢmontrent que le niveau de matheĢmatiques des enfants de l’aĢge de sept ans preĢdit, autant que leur niveau de lecture, leur niveau socio-eĢconomique aĢ l’aĢge adulte de 42 ans. Cependant, on estime en geĢneĢral entre 1 et 10 % d’enfants dyscalculiques, autrement dit preĢsentant un trouble des apprentissages en matheĢmatiques. Ce trouble repreĢsente un handicap majeur pour l’inteĢgration scolaire, sociale et professionnelle. Les parents et les professionnel·le·s (enseignant·e·s, meĢdecins, orthophonistes, psychologues) ont besoin de comprendre ce trouble pour mieux repeĢrer et intervenir aupreĢs des enfants concerneĢs. Un eĢtat des lieux des connaissances actuelles est proposeĢ. Il consistera aĢ : 1) deĢfinir la dyscalculie, 2) deĢcrire les hypotheĢses relatives aĢ l'origine de ce trouble, 3) deĢcrire les difficulteĢs scolaires et quotidiennes observeĢes. Ultimement, cette preĢsentation devrait renseigner les acteurs de la santeĢ et de l’eĢducation pour la preĢvention des difficulteĢs matheĢmatiques et l’accompagnement des enfants et leur famille.
L’eĢvaluation de variables psychologiques et eĢducatives aupreĢs des personnes preĢsentant des troubles neurodeĢveloppementaux n’est pas sans difficulteĢs. Les reĢsultats de ces eĢvaluations, obtenus avec des tests ou des questionnaires, peuvent eĢtre (fortement) biaiseĢs. Un des probleĢmes reĢside dans la manieĢre dont ces instruments sont eĢlaboreĢs, notamment le fait qu’ils ciblent primairement une population qui est dans la norme, mais qu’ils sont ensuite utiliseĢs avec des personnes qui, quant aĢ elles, ne le sont pas. Est-ce que les consignes et les proceĢdures aĢ mettre en œuvre dans le test ou le questionnaire permettent une eĢvaluation adeĢquate des personnes preĢsentant, p.ex., un trouble de deĢficience intellectuelle ?
Dans cette preĢsentation, je mettrai en eĢvidence les facteurs qui peuvent mener aĢ des eĢvaluations biaiseĢes dans les tests et questionnaires utiliseĢs dans le cadre d’un diagnostic individuel, ainsi que dans des recherches aĢ plus grande eĢchelle. Je preĢsenterai eĢgalement des proceĢdures qui permettent de reĢduire ou d’eĢviter les biais afin d’obtenir des donneĢes plus valides.
ApreĢs une peĢriode marqueĢe par la volonteĢ de rattraper le retard pris, en France, dans la prise en charge des eĢleĢves atteints de "troubles speĢcifiques des apprentissages" (dyslexie, dyscalculie, dysphasie, dyspraxie, TDAH, preĢcociteĢ intellectuelle...), ces troubles sont, depuis une dizaine d'anneĢes, au centre de nombreuses controverses, y compris au sein-meĢme des sciences cognitives ouĢ certains chercheurs plaident pour l'abandon de de type de cateĢgorie nosographique. La dyslexie en fournit un bon exemple. Au-delaĢ de l'absence de consensus scientifique sur la deĢfinition de la dyslexie, c'est l'efficaciteĢ des dispositifs d'action publique ciblant des enfants "dyslexiques" qui est de plus en plus questionneĢe. Faut-il par exemple continuer aĢ accorder d'importants financement aĢ des programmes visant aĢ mieux identifier les enfants "dyslexiques" dans un contexte ouĢ de nombreuses eĢtudes montrent que, en l'eĢtat actuel des connaissances scientifiques, il n'est pas possible, pour les praticiens, de diffeĢrencier un eĢleĢve dont les difficulteĢs d'apprentissage de la lecture sont dus aĢ des causes neurologiques d'un autre dont les difficulteĢs seraient dues aĢ une autre cause (sociale, psychologique, meĢdicale, etc.) ? En outre, si un consensus semble se deĢgager sur l'efficaciteĢ des interventions visant aĢ aider les eĢleĢves en difficulteĢ d'apprentissage du langage eĢcrit (quelle qu'en soit la cause) en ameĢliorant leur consciences phoneĢmique / phonologique, l'efficaciteĢ des interventions ciblant les habileteĢs cognitives ou les meĢcanismes speĢcifiquement impliqueĢes dans la dyslexie n'a pas eĢteĢ deĢmontreĢe. Enfin, la cateĢgorie "dyslexie" doit aussi eĢtre eĢtudieĢe sous l'angle des appropriations et des usages sociaux diffeĢrencieĢs dont elle fait l'objet chez l'ensemble des acteurs sociaux qui y sont confronteĢs. Tous les acteurs concerneĢs par la dyslexie (chercheurs, professionnels du soin, parents, responsables publics, familles, entreprises, etc.) contribuent aĢ donner forme aĢ cette cateĢgorie en la modelant et en l'utilisant en fonction de leur expeĢrience et de leurs inteĢreĢts particuliers, que la sociologie se propose de mettre en eĢvidence. Enfin, il convient, aĢ la suite de nombreuses recherches, de s’interroger sur les effets du recours croissant au diagnostic de dyslexie sur les ineĢgaliteĢs scolaires et sur les trajectoires de ceux qui reçoivent ce diagnostic.